lundi 30 mars 2015

Une journée en montagne ...

Port-au-Prince est entouré de montagnes. 
Dimanche, après avoir sillonné les petites routes qui grimpent (et ce n'est rien de le dire) dans les vallées escarpées, nous nous retrouvons au milieu des pins, à 1600 m d'altitude, à seulement une heure de la capitale et 15 °C degrés en moins. Il fait 20°C à notre arrivée, la brume et un petit vent frais se sont levés et nous poussent à mettre un pull.


Un superbe chalet de montagne entre pins et bananiers ...

Le climat doux et humide permet ici tout type de cultures. Fruits en tout genre (et même des fraises), pommes de terre, carottes, oignons, aubergines, choux. On trouve de tout sur les marchés de Port-au-Prince. Fruits et légumes descendent des vallées plus ou moins reculées de l'arrière-pays, non sans avoir parfois transités par de nombreux intermédiaires, ce qui fait que les prix sont parfois élevés pour le client final.

Cultures en terrasse

Ce week-end, j'en ai profité également pour faire une petite visite de la capitale ... en voiture. 
Il n'est pas facile de sortir un appareil photo de valeur dans les rues, sans courir le risque de se faire repérer par des personnes mal intentionnées. Du coup, les photos sont prises depuis la voiture. En voici quelques unes, en attendant de pouvoir vous proposer un vrai diaporama que, pour l'instant j'ai du mal à réaliser sur ce blog !




La cathédrale de Port-au-Prince, détruite lors du séisme






vendredi 27 mars 2015

Après l'effort ...

La semaine est terminée ...
Il fait 30 °C.  J'hésite entre la sieste sous le palmier ... et la fraîcheur de la piscine ...


jeudi 26 mars 2015

La barrière de la langue

Si j'ai bien un regret, c'est celui d'avoir minimisé ce côté-là !

J'avais bien comme intention il y a quelques semaines d'apprendre le créole haïtien, mais je n'ai jamais vraiment commencé, dissuadé par certains, et notamment par le directeur de l'hôpital qui estimait que ce n'était pas une nécessité, soignants et même patients parlant pour la plupart en français.
En fait ce n'est pas tout à fait exact. Effectivement, le personnel soignant, lorsqu'il s'adresse à moi le fait en français et je n'ai aucun problème de compréhension, quoique parfois l'accent haïtien m'oblige à faire répéter. Ça la fout mal mais je n'ai pas le choix.
En revanche, lorsque les infirmières se mettent à parler entre elles, où lorsqu'elles s'adressent aux patients, elles le font en créole. Et malheureusement c'est incompréhensible.

Pourtant, à y regarder de plus près, cette langue n'est pas très compliquée. Comprendre le sens d'une phrase à l'écrit est même relativement facile. 
Voici à titre d'exemple un extrait d'une planche de BD que j'ai trouvée sur internet, et affichée dans l'office infirmier de l'hôpital, à propos de l'hygiène des mains :  


Alors ? Tout le monde a compris ? Je suis sûr que certains ont même essayé avec l'accent. C'est rigolo, hein ?
Je réserve un petit souvenir d'Haïti à celui qui me proposera la meilleure traduction !

Le problème, c'est que les mêmes phrases prononcées par un haïtien deviennent incompréhensibles. Ils parlent vite et contractent les mots à tout va ! Dans un prochain article, je vous ferai écouter ce que donnent ces deux phrases lues à vitesse normale par un haïtien.

Donc je pleure tous les jours de ne pas comprendre ce qui se dit de tel ou tel patient, où les questions et réflexions du moment.
Mais Miss Bernadotte, à qui j'ai confié ce regret, a commencé à remédier au problème, en m'apportant quelques éléments de grammaire et d'orthographe, et j'ai décidé d'y consacrer du temps hors-stage ...

Bon, li lé pou m ale. M bouke, mwen pral domi. Babay !



mercredi 25 mars 2015

Choc culturel ! On m'avait prévenu ...



Pour moi, ce troisième jour de stage commence, à la demande de Rose-Henriette BERNADOTTE que je ne présente plus,  avec la prise en charge de deux patients. Bon, on se rend compte rapidement qu'il y en a un qui sort ce matin donc il n'en reste plus qu'un.
Et c'est tant mieux.
Parce que prendre en charge un patient commence avec l'ouverture de son dossier de soins, afin de préparer la médication de 8h et anticiper celle de midi. Et là ... on fait glourps !
Car c'est un véritable travail de décodage qui m'attend. Rien n'étant informatisé, il faut déchiffrer l'écriture du médecin traitant, ce qui constitue déjà un premier barrage à priori infranchissable.
Et puis les noms des médicaments, déjà que je n'en connais pas beaucoup, ne sont pas les mêmes qu'en France et enfin la posologie n'est pas indiquée de la même façon que chez nous !
Par exemple, "2 fois par jour" s'inscrit BiD, pour Bis In Die (c'est du latin) ou Tid, ou QJour (pour Quo - chaque en latin - jour). Bref, cela fait beaucoup d'obstacles. Et à cela il faut rajouter le fait que parfois, le médicament prescrit n'est pas dans le casier du patient. Il faut alors réaliser un bon pour la pharmacie etc, etc ... Je ne parle même pas de l'organisation des feuilles d'ordonnance, celle d'origine et toutes celles modifiées, complétées, qu'il faut lire attentivement une à une pour s'assurer de ne rien oublier ...
Non vraiment, c'est pour moi très compliqué et je me demande comment les infirmières font pour s'y retrouver !

Dans la matinée, Miss Bernadotte me propose d'assister à une thoracocentèse, sur une patiente victime d'un épanchement pleural massif. C'est un geste réalisé par le médecin, qui permet d'éliminer du liquide en trop grande quantité quand celui-ci comprime les poumons et entraîne des difficultés respiratoires.
La patiente est assise sur le lit. On attend l'arrivée du matériel nécessaire à l'intervention.
10 minutes s'écoulent ...
Il arrive enfin dans un sac plastique noir, gants stériles, compresses et nécessaire enveloppés dans du papier kraft. Apparemment il manque des choses et surtout, le médecin aux mains trapues déchire un des gants en l'enfilant (je compatis ça m'arrive aussi ...). Nouvelle demande à la pharmacie. Pour une nouvelle paire de gants et une aiguille qui manquait dans le premier arrivage. La dame patiente, assise depuis bientôt une demi-heure lorsque tout est enfin en place.
Le médecin est assisté d'une auxiliaire. Il procède à l'aseptie puis prélève du liquide pleural destiné dans un premier temps à une analyse biologique. Toute l'opération se déroule en stérile.
Puis il s'arme d'une plus grosse seringue, de 60 cc avec laquelle il pompe le liquide en trop (de couleur rouge saumon) et l'évacue dans une bassine en zinc qu'il a fait placer devant lui, largement visible par la patiente, qui ne bronche pas et ne semble nullement affectée  par les va-et-vients de cette grosse seringue que le médecin visse et dévisse sur l'aiguille en place et rejette autant de fois ce liquide qui finit par mousser dans la bassine sous la pression du jet. Rappelons qu'en plus notre médecin a les mains trapues !
Moi je suis pour ainsi dire en pleine compassion. Je souffre pour elle et n'en reviens pas du nombre d'allers-retour, espérant qu'à chaque évacuation le supplice va prendre fin. J'arrête de compter à 18, mais je sais qu'au total, c'est plus de 1,5 litre de liquide qui a été retiré ...
Le geste du médecin est très mécanique. Il ne s'adresse quasiment pas à la patiente.
Son téléphone se met à sonner à sa ceinture. D'un regard, il me demande de le sortir de son étui. Je m'exécute, lui montre le nom de son interlocuteur, et il me demande de décrocher. Je lui colle le portable à l'oreille et il répond, tout occupé à vider la dame qui n'a pas bougé d'un poil ...

Et pour finir, j'aimerais vous rapporter cet entretien avec Miss Bernadotte, qui me demande pourquoi je viens faire mon stage en Haïti.
Alors me voilà parti dans un bel argumentaire d'un mec de pays riche (avec un petit accent intello parisien que tout le monde saura reproduire) : "Ben oui quoi, c'est quand même bien d'aller voir ailleurs ce qui se passe, ça permet de s'interroger sur ses propres pratiques et de mieux appréhender la différence culturelle, et ça permet de comprendre que finalement la vie n'existe qu'à travers son propre regard et qu'il y a autant de visions du monde qu'il y a d'individus sur cette terre ..." Bon, j'exagère, mais en gros je lui explique ça. Elle feint de comprendre, mais lorsqu'à mon tour, je lui demande comment elle perçoit ma venue et mon stage parmi eux, elle me dit qu'avec tout ce qu'on doit raconter sur Haïti, le séisme, la misère, l'insécurité ... Elle se demande bien ce que je viens chercher ici ...


Forcément ça fait réfléchir, non ?

mardi 24 mars 2015

Vive la Sécurité Sociale !

Mes horaires sont fixés : 7h -13h.
En commençant tôt, j'évite l'encombrement des rues, qui peut vite devenir un enfer à Port-au-Prince. Il me faut environ 15 minutes pour parvenir à l'hôpital en voiture (merci Damien qui me prête sa voiture ...).
Je rejoins l'équipe du matin dans l'office infirmier. En guise d'accueil, la radio omniprésente dans le bureau diffuse un air haïtien rythmé et entraînant. C'est plutôt sympa de commencer la journée comme ça. Très vite j'accompagne et assiste Miss Orgella.
Visite des patients. Je découvre à chaque chambre les malades et les pathologies du moment. Je suis impressionné par cette vieille dame de 86 ans qui vient d'être amputée au-dessus du genou gauche, suite à une gangrène. Comment se relève-ton, sans vouloir faire de mauvais esprit, d'un tel traumatisme à cet âge avancé ? La dame est à demi-consciente et respire difficilement. Des proches sont autour d'elle.
Comme dans de nombreux pays, ici les malades sont accompagnés par leur famille ou leurs proches. Dans la chambre suivante, un homme souffre d'une occlusion intestinale. A ma grande surprise, je découvre que sous le lit, sa fille s'est installée sur un drap et a passé la nuit ici ...
Cet homme attend un scanner abdominal qu'il devrait pouvoir passer dans la journée, mais à une condition : qu'il ait avancé la partie du coût non pris en charge par son assurance privée.
Dans cet hôpital comme dans tous les hôpitaux privés, les soins sont payants. Ils le sont aussi dans les hôpitaux publics, mais dans une moindre mesure.
Toujours est-il que la situation peut se résumer ainsi : pas d'argent, pas de soin.
La majorité des haïtiens ne possèdent pas d'assurance (qui coûte au minimum 1000 € par an). Donc ils ne se soignent pas ou peu. S'ils se rendent à l'hôpital public, ils ne sont même pas sûrs d'être reçus en consultation car l'attente peut durer la journée entière ...
Voilà une réalité que l'on prend en pleine face ... Cet homme, en face de moi, qui se tord de douleur en se tenant le ventre devra attendre que le compte de l'hôpital soit approvisionné.
Il en est ainsi pour l'ensemble des patients admis. La première tâche qui incombe à l'infirmière est d'organiser l'approvisionnement en médicaments par patient. Si ce dernier est assuré, un bon est adressé à la pharmacie de l'hôpital qui avance les frais. Dans le cas contraire, le patient ou parent qui l'accompagne, muni d'un bon similaire, doit payer cash les médicaments à la pharmacie ...
Je dois ajouter cependant qu'en cas d'urgence vitale, on ne laisserait pas mourir une personne venue se présenter à l'hôpital, elle serait prise en charge malgré tout, mais il semble que ces cas soient extrêmement rares.
Je ne peux m'empêcher de penser à notre bienfaitrice sécurité sociale qui nous assure à tous un accés à la santé et du coup un inestimable confort de vie. Il est difficile d'imaginer à quel point la vie tient à un fil ici, pour une grande majorité de la population ...

Ainsi les malades payent. Et du coup, ils sont exigeants. Par exemple, ils refusent d'être soignés par du personnel non diplômé. Des étudiants par exemple ! C'est pourquoi l'hôpital n'en prend jamais en stage.
Ne faisant pas exception à la règle, il m'est demandé de ne pas me présenter aux malades comme étant étudiant mais infirmier, en stage certes, mais diplômé.
Et pour ôter toute ambiguïté, Miss Rose-Henriette Bernadotte maquille mon statut sur ma blouse avec du sparadrap ...



Voilà pour ce deuxième jour de stage. Que de questionnements déjà ! Et que de découvertes à venir !
Les choses deviennent plus claires, pour moi comme pour l'équipe qui m'encadre et mon intégration se fait, lentement mais sûrement ...
A la radio, l'animateur, tel un prêcheur, s'est lancé dans une analyse du châpitre 2 verset 38 du Nouveau Testament, à propos de la repentance et du baptême ...

Dieu soit loué !

lundi 23 mars 2015

Première journée de stage




Rendez-vous ce matin à 9h avec le directeur de l'hôpital.
J'arrive à 8h30, donc en avance, et m'annonce à l'accueil. La secrétaire n'est pas avertie de ma venue, et il lui faut un certain temps pour trouver une personne au courant de la présence annoncée d'un stagiaire infirmier.

A son arrivée, le directeur m'accueille. C'est un "blanc", français de souche mais naturalisé haïtien. Il est très sympathique et me propose d'emblée de me présenter au directeur médical, chirurgien également, Elie Bazelais. M. Martinot le directeur s'efface rapidement. Dommage, j'aurais aimé échanger d'avantage avec lui ...

Nous faisons le tour des services. Il semblerait que personne ne soit informé de ma venue. 
L'infimière-cadre (que l'on appelle ici superviseuse) en service ce matin se montre contrariée à l'idée de me prendre en charge. Elle n'avait pas prévue cela ce matin et manifeste un certain mécontentement ... Elie me laisse pourtant entre ses mains ... Impression étrange de ressembler à une patate chaude ...

L'infirmière s'appelle Rose-Henriette Bernadotte (et pas Bernadette, ce n'est pas une faute de frappe). Je peux l'appeler Bernadotte, Rose-Henriette, ou encore Miss Bernadotte, c'est au choix, je n'ai qu'à décider. Ici, toutes les infimières me sont présentées avec des "Miss" avant le nom. C'est ainsi que nous avons des Miss Ligondé, Miss Raphaël, Miss Derisier, ou encore Miss Belfort ... Et c'est de cette façon qu'elles se nomment entre elles. J'ai intérêt à en faire autant si je ne veux pas être largué, car les prénoms ne sont pas plus faciles à mémoriser : Nephtalie, Damie, Katery ...

Rose-Henriette a vite changé d'attitude avec moi. Elle est en réalité très sympa et rapidement elle me présente comment est organisée la prise en charge des patients à l'hôpital (développée sur la page L'Hôpital pour ceux que cela intéresse). Je pense qu'elle n'a pas apprécié, à juste titre, de se trouver devant le fait accompli, et je regrette un peu que le directeur n'ait pas annoncé la couleur à toute l'équipe ...

Après avoir pris connaissance de l'aspect administratif de la prise en charge, je peux assister à quelques soins en chambre, auprès des patients, dont la pose d'une voie veineuse sèche (cathéter laissé libre pour d'éventuelles injections).
Et force est de constater que c'est pas comme chez nous :-)
A commencer par les précautions d'hygiène, très éloignées de ce que l'on apprend à l'IFSI. L'aseptie est plus que rudimentaire, et les gants en latex, obligatoires pour toute manipulation d'aiguille, font offices ici ... de garrot !







samedi 21 mars 2015

Les hauts de Port-au-Prince

Petite excursion sur les hauteurs de Port-au-Prince



En guise d'introduction à ce long séjour, Damien me propose d'aller prendre le frais à 1400 m d'altitudes sur les premières montagnes qui encerclent la capitale. 
Après une heure et demi de trajet (la sortie de la ville est toujours très compliquée), nous arrivons dans un endroit assez magique, très escarpé, où chaque parcelle de terre est cultivée. 
Nous traversons les cultures par des petits sentiers. La vie est omniprésente, même ici. Un haïtien dévale le chemin, tiré par deux petits cochons en laisse. Il s'écarte à notre arrivée, nous salue, sourire radieux, et reprend sa route, happé par les cochonnets sur-excités qui couinent tant qu'ils peuvent ! Image surréaliste ...




vendredi 20 mars 2015

Mon arrivée en Haïti

Vendredi 20 mars 2015 à 18h30 : arrivée à Port-au-Prince. Température : 28°C


Route vers le quartier Turgeau où vit Damien

A la sortie de l'aéroport, Damien m'attend et m'accueille.
La nuit est déjà tombée sur la capitale haïtienne. Impression de déjà vu. Une chaleur légèrement moite qui colle un peu à la peau, une foule qui s'active dans les rues, à pied, à moto, en voiture, en bus, du bruit, des klaxons ... Je pense à Dakar, automatiquement.
Mais Damien me précise que la comparaison s'arrête là. Malgré les apparences, Haïti, ce n'est pas le Sénégal, c'est tout autre chose, de complexe, impossible à résumer en quelques lignes, et à l'heure où j'écris ces lignes, soit près de 48h après mon arrivée, je peux d'ores et déjà confirmer ces affirmations !

Une demi-heure après avoir quitté l'aéroport, nous sommes chez Damien. Il habite sur les premières pentes de Port-au-Prince. Son appartement est spacieux, en lieu sécurisé, préservé, et je sens déjà que cet endroit va constituer pour moi un havre de paix, à l'écart de la fourmilière que représente la capitale, et que j'essayerai de décrire et d'illustrer dans de prochains articles ...