mardi 24 mars 2015

Vive la Sécurité Sociale !

Mes horaires sont fixés : 7h -13h.
En commençant tôt, j'évite l'encombrement des rues, qui peut vite devenir un enfer à Port-au-Prince. Il me faut environ 15 minutes pour parvenir à l'hôpital en voiture (merci Damien qui me prête sa voiture ...).
Je rejoins l'équipe du matin dans l'office infirmier. En guise d'accueil, la radio omniprésente dans le bureau diffuse un air haïtien rythmé et entraînant. C'est plutôt sympa de commencer la journée comme ça. Très vite j'accompagne et assiste Miss Orgella.
Visite des patients. Je découvre à chaque chambre les malades et les pathologies du moment. Je suis impressionné par cette vieille dame de 86 ans qui vient d'être amputée au-dessus du genou gauche, suite à une gangrène. Comment se relève-ton, sans vouloir faire de mauvais esprit, d'un tel traumatisme à cet âge avancé ? La dame est à demi-consciente et respire difficilement. Des proches sont autour d'elle.
Comme dans de nombreux pays, ici les malades sont accompagnés par leur famille ou leurs proches. Dans la chambre suivante, un homme souffre d'une occlusion intestinale. A ma grande surprise, je découvre que sous le lit, sa fille s'est installée sur un drap et a passé la nuit ici ...
Cet homme attend un scanner abdominal qu'il devrait pouvoir passer dans la journée, mais à une condition : qu'il ait avancé la partie du coût non pris en charge par son assurance privée.
Dans cet hôpital comme dans tous les hôpitaux privés, les soins sont payants. Ils le sont aussi dans les hôpitaux publics, mais dans une moindre mesure.
Toujours est-il que la situation peut se résumer ainsi : pas d'argent, pas de soin.
La majorité des haïtiens ne possèdent pas d'assurance (qui coûte au minimum 1000 € par an). Donc ils ne se soignent pas ou peu. S'ils se rendent à l'hôpital public, ils ne sont même pas sûrs d'être reçus en consultation car l'attente peut durer la journée entière ...
Voilà une réalité que l'on prend en pleine face ... Cet homme, en face de moi, qui se tord de douleur en se tenant le ventre devra attendre que le compte de l'hôpital soit approvisionné.
Il en est ainsi pour l'ensemble des patients admis. La première tâche qui incombe à l'infirmière est d'organiser l'approvisionnement en médicaments par patient. Si ce dernier est assuré, un bon est adressé à la pharmacie de l'hôpital qui avance les frais. Dans le cas contraire, le patient ou parent qui l'accompagne, muni d'un bon similaire, doit payer cash les médicaments à la pharmacie ...
Je dois ajouter cependant qu'en cas d'urgence vitale, on ne laisserait pas mourir une personne venue se présenter à l'hôpital, elle serait prise en charge malgré tout, mais il semble que ces cas soient extrêmement rares.
Je ne peux m'empêcher de penser à notre bienfaitrice sécurité sociale qui nous assure à tous un accés à la santé et du coup un inestimable confort de vie. Il est difficile d'imaginer à quel point la vie tient à un fil ici, pour une grande majorité de la population ...

Ainsi les malades payent. Et du coup, ils sont exigeants. Par exemple, ils refusent d'être soignés par du personnel non diplômé. Des étudiants par exemple ! C'est pourquoi l'hôpital n'en prend jamais en stage.
Ne faisant pas exception à la règle, il m'est demandé de ne pas me présenter aux malades comme étant étudiant mais infirmier, en stage certes, mais diplômé.
Et pour ôter toute ambiguïté, Miss Rose-Henriette Bernadotte maquille mon statut sur ma blouse avec du sparadrap ...



Voilà pour ce deuxième jour de stage. Que de questionnements déjà ! Et que de découvertes à venir !
Les choses deviennent plus claires, pour moi comme pour l'équipe qui m'encadre et mon intégration se fait, lentement mais sûrement ...
A la radio, l'animateur, tel un prêcheur, s'est lancé dans une analyse du châpitre 2 verset 38 du Nouveau Testament, à propos de la repentance et du baptême ...

Dieu soit loué !