Mes horaires sont fixés : 7h -13h.
En commençant tôt, j'évite l'encombrement des
rues, qui peut vite devenir un enfer à Port-au-Prince. Il me faut environ 15
minutes pour parvenir à l'hôpital en voiture (merci Damien qui me prête sa
voiture ...).
Je rejoins l'équipe du matin dans l'office
infirmier. En guise d'accueil, la radio omniprésente dans le bureau diffuse un
air haïtien rythmé et entraînant. C'est plutôt sympa de commencer la journée
comme ça. Très vite j'accompagne et assiste Miss Orgella.
Visite des patients. Je découvre à chaque
chambre les malades et les pathologies du moment. Je suis impressionné par
cette vieille dame de 86 ans qui vient d'être amputée au-dessus du genou
gauche, suite à une gangrène. Comment se relève-ton, sans vouloir faire de
mauvais esprit, d'un tel traumatisme à cet âge avancé ? La dame est à
demi-consciente et respire difficilement. Des proches sont autour d'elle.
Comme dans de nombreux pays, ici les malades
sont accompagnés par leur famille ou leurs proches. Dans la chambre suivante,
un homme souffre d'une occlusion intestinale. A ma grande surprise, je découvre
que sous le lit, sa fille s'est installée sur un drap et a passé la nuit ici
...
Cet homme attend un scanner abdominal qu'il
devrait pouvoir passer dans la journée, mais à une condition : qu'il ait avancé
la partie du coût non pris en charge par son assurance privée.
Dans cet hôpital comme dans tous les hôpitaux
privés, les soins sont payants. Ils le sont aussi dans les hôpitaux publics,
mais dans une moindre mesure.
Toujours est-il que la situation peut se
résumer ainsi : pas d'argent, pas de soin.
La majorité des haïtiens ne possèdent pas
d'assurance (qui coûte au minimum 1000 € par an). Donc ils ne se soignent pas
ou peu. S'ils se rendent à l'hôpital public, ils ne sont même pas sûrs d'être
reçus en consultation car l'attente peut durer la journée entière ...
Voilà une réalité que l'on prend en pleine
face ... Cet homme, en face de moi, qui se tord de douleur en se tenant le
ventre devra attendre que le compte de l'hôpital soit approvisionné.
Il en est ainsi pour l'ensemble des patients
admis. La première tâche qui incombe à l'infirmière est d'organiser
l'approvisionnement en médicaments par patient. Si ce dernier est assuré, un
bon est adressé à la pharmacie de l'hôpital qui avance les frais. Dans le cas
contraire, le patient ou parent qui l'accompagne, muni d'un bon similaire, doit
payer cash les médicaments à la pharmacie ...
Je dois ajouter cependant qu'en cas d'urgence
vitale, on ne laisserait pas mourir une personne venue se présenter à l'hôpital, elle
serait prise en charge malgré tout, mais il semble que ces cas soient
extrêmement rares.
Je ne peux m'empêcher de penser à notre
bienfaitrice sécurité sociale qui nous assure à tous un accés à la santé et du
coup un inestimable confort de vie. Il est difficile d'imaginer à quel point la
vie tient à un fil ici, pour une grande majorité de la population ...
Ainsi les malades payent. Et du coup, ils
sont exigeants. Par exemple, ils refusent d'être soignés par du personnel non
diplômé. Des étudiants par exemple ! C'est pourquoi l'hôpital n'en prend jamais
en stage.
Ne faisant pas exception à la règle, il m'est
demandé de ne pas me présenter aux malades comme étant étudiant mais infirmier,
en stage certes, mais diplômé.
Et pour ôter toute ambiguïté, Miss
Rose-Henriette Bernadotte maquille mon statut sur ma blouse avec du sparadrap ...
Voilà pour ce deuxième jour de stage. Que de
questionnements déjà ! Et que de découvertes à venir !
Les choses deviennent plus claires, pour moi comme pour l'équipe qui m'encadre et mon intégration se fait, lentement mais sûrement ...
A la radio, l'animateur, tel un prêcheur,
s'est lancé dans une analyse du châpitre 2 verset 38 du Nouveau Testament, à propos de la repentance et du baptême ...
Dieu soit loué !
Vraiment passionnant et c'est très agréable de te lire !! Continue comme ça ma Bert, bon courage et à très vite. Biz
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