jeudi 28 mai 2015

Un grand merci !

Dans quelques heures commencera un long retour vers la Drôme ... Pointe à Pitre en Guadeloupe d'abord, puis Paris avant de retrouver maison, familles, amis et animaux de compagnie (chacun se reconnaîtra) ... 


Mais avant cela, je voudrais clôturer ce blog.
Avec ce dernier article, dans lequel je ne vais pas parler d'Haïti, mais que j'avais envie de vous consacrer,  à vous cher public (applaudissements).
Lorsque j'ai entrepris de créer un blog, c'était pour moi une première. Je n'ai jamais fait cela auparavant. Et vraiment je ne regrette pas cette initiative. 
Ecrire ce que l'on ressent et ce que l'on vit est une chose, mais avec la perspective qu'un autre (un ami, la famille, un animal de compagnie) va lire cet écrit, l'exercice devient peut-être plus complexe.
Car il force à se poser la question : qu'est-ce que je raconte ? Comment ce que j'exprime va t'il être compris, interprété ? Poussant ainsi à réfléchir aux messages que l'on veut adresser, aux mots que l'on utilise, pour qu'ils soient le plus juste possible, le plus en adéquation avec ce que l'on veut exprimer.
Et je dois dire que vos encouragements, vos commentaires, en un mot votre présence malgré ces 8000 km qui nous séparaient, m'ont permis de maintenir ce lien entre vous et moi. Ce blog est devenu au fil du temps, un trait d'union, un rendez-vous quasi-quotidien et surtout indispensable. Vous avez motivé en moi cette envie de me raconter, et de vous raconter ce que je vivais. Et pour cela je voudrais vraiment et très sincèrement vous remercier chers lecteurs (applaudissements et quelques clameurs d'admiration) ...





Oui, vous avez été, un peu comme cette photo, comme une lampe à pétrole au milieu de la nuit, de l'inconnu, de l'inexplicable parfois, comme un phare au milieu d'une tempête de questions. Me permettant de me poser, au calme, de me recentrer sur moi-même.
Et même si je tourne un peu en dérision cet article, c'est bien parce que vous étiez présents au bout du blog que j'ai pu tenir ce fil de l'analyse et de la compréhension de ce que je traversais ...

La vie est étrange parfois.
Depuis que je suis gamin, je dessine un paysage qui est toujours le même. Un horizon d'océan, un soleil rouge qui se couche, et en contre-jour, un cocotier sur une rive déserte. Tout un symbole ! Et tout un cliché aussi, j'en conviens :-)
Il y a une semaine, ce dessin, je l'ai eu pour la première fois de ma vie dans le viseur de mon appareil photo ...
Comme une page qui se tourne.
Alors je vous l'offre. Et vous remercie encore ...







samedi 16 mai 2015

Essai sur la société haïtienne (Suite et fin)

Après 8 semaines d'observation, de lecture et d'échanges, je vous livre ma perception de la société haïtienne, en tout cas ce que j'en ai compris. Bien sûr, cette description est loin d'être objective, étant là depuis peu de temps, n'ayant pas vu toutes les facettes de cette société, et n'étant pas ailleurs par sociologue !


Suite de l'article paru le 10 mai ...

L'organisation de la société est marquée par l'absence de l'état en de nombreux secteurs, dont les plus fondamentaux que sont la santé et l'éducation.
L'offre publique en terme d'éducation est si inférieure à la demande (décuplée par une démographie galopante : plus d'un tiers de la population a moins de 15 ans) que de multiples écoles privées ont vu le jour. N'importe qui peut créer une école et à peu près n'importe qui peut s'improviser enseignant, sans contrôle de l'état ou presque. La qualité des études est donc loin d'être acquise et bien sûr ces écoles sont payantes, et même souvent lucratives pour ceux qui les créent.

Sur les collines qui bordent Port-au-Prince, les habitations gagnent du terrain.
La population atteindrait 2,5 millions d'habitants aujourd'hui contre 700 000 il y a douze ans ...

A Dessalines, où je me suis rendu le temps d'un week-end en début de séjour, le couple qui m'a accueilli a été confronté à ce problème de scolarisation et fait figure d'exception.
A la naissance de leur enfant, ils ont décidé d'anticiper en réunissant autour d'eux des parents dans la même situation.
Ils ont monté un projet de création d'école qu'ils ont pu financer à force de cotisations et d'emprunts. La première classe a été créée avec 7 élèves, il y a trois ans. Chaque année, ils créent une classe supérieure et petit à petit ont rempli les premiers niveaux avec aujourd'hui plus de 120 élèves. Soucieux de la qualité des études, ils participent de façon collégiale à l'élaboration des programmes, recrutent et payent (avec les cotisations des parents) des professeurs diplômés. 
L'énergie qu'il faut déployer pour arriver à un tel résultat est conséquente et je ne peux m'empêcher de penser à mon pays, à son système éducatif si souvent décrié mais ô combien important, à préserver et renforcer ...
Ainsi l'éducation des enfants a un coût pour beaucoup d'haïtiens, la santé également, je l'ai développé par ailleurs.
Si l'on dresse en face de cette réalité un autre constat qui est celui que près de 4 haïtiens sur 5 vivent en-dessous du seuil de pauvreté, on ne s'étonnera pas que pour la grande majorité, la survie est une constante quotidienne.
Et quand bien même ce stade est dépassé, le coût de la vie est tellement élevé, notamment à Port-au-Prince, en terme de besoins primaires : alimentation, logement, santé etc ... qu'il n'est pas rare de voir des personnes cumuler plusieurs emplois pour venir à bout des dépenses obligatoires. C'est le cas de nombreuses infirmières que je côtoie, qui en plus de leur fonction à l'Hôpital Français, en occupent une seconde dans un autre établissement de santé ...



Il règne dans les rues de Port-au-Prince une ambiance très particulière. Comme une méfiance à l'égard de l'autre. On peut lire cette expression sur les visages, ou en tout cas l'interprèter de cette façon.
C'est un peuple afféré qui court sur les trottoirs, et tente de traverser les rues. Les chauffeurs roulent comme si l'autre n'existait pas. Ici, il n'y a pas de signes de politesse. On ne dit ni "Eskizem", ni "Mesi". On passe en premier pour ne pas se faire doubler. On se fait klaxonner si on avance pas assez vite. On grille les priorités sans que cela ne pose aucun problème. Les piétons ont un mal fou à traverser, à se frayer un chemin entre les véhicules à l'arrêt, les motos qui roulent à contre-sens, les trottoirs encombrés de gravats où les marchands étalent une multitude de produits à même le sol ...
J'ai parfois l'impression que les rues de Port-au-Prince sont la réplique parfaite d'un pays qui n'est pas dirigé, où les lois n'existent pas, et où de surcroît il faut être le premier pour arriver à survivre.
Parce que contrairement à ce qu'on pourrait penser, la solidarité n'existe pas plus ici qu'ailleurs.
La solidarité survient lorsqu'elle est portée par un groupe, par un leader, par une ligne politique dans laquelle on se reconnaît. Mais dans un milieu où tout un chacun a cessé de croire aux politiques et de compter sur un gouvernement, sur un système juste et solidaire, c'est la préoccupation personnelle qui prime sur tout le reste.
Et loin de stigmatiser les haïtiens, je pense qu'en l'absence d'une vigilance accrue, et dans un contexte particulier comme celui que je viens de décrire, le socle des valeurs que l'on pense à tort inébranlable peut s'effondrer comme un château de cartes. Les valeurs se conquièrent et se défendent à plusieurs, et elles ne se transmettent que si les conditions le permettent : A savoir une confiance dans la société, dans l'avenir.
Mais imaginez un monde où tout est incertain : la sécurité (alimentaire et corporelle), le lendemain, le pouvoir en place ... Qu'est-ce que l'on ferait individuellement des valeurs ? Ne les passerions nous pas au second plan, après s'être assuré de la sécurité de sa propre personne, de la survie de ses proches ?
Parmi les 20% de la population qui vit au-dessus du seuil de pauvreté, une partie d'entre elle vit même très bien. Certains haïtiens sont très riches. Il se construit de façon insolente sur les hauteurs de Port-au-Prince des villas dignes de celles de l'arrière pays tropézien. Il n'est pas rare de croiser ici grosses BM et Porsche Cayenne. La richesse côtoie la misère de façon indécente. Ou elle s'organise de façon plus discrète, dans l'ombre, entre New-York et Miami.

C'est une vision d'Haïti qui peut paraître pessimiste. Mais cette réalité est bien là. Et il faut l'accepter telle qu'elle est. Sans toujours chercher des solutions (c'est notre gros défaut, ça), sans s'appitoyer, et sans jugement bien sûr.
Pourtant la rencontre est possible. Mais elle se mérite. Il faut aller la chercher. Prendre le temps de se laisser pénétrer par les choses et les accepter telles qu'elles sont.
Et c'est quand on a fait ce chemin que l'on peut aimer Haïti.
Les gens que j'ai rencontré au quotidien dans mon stage me le confirmaient chaque jour un peu plus. J'ai côtoyé des personnes généreuses, bienveillantes avec moi, qui m'on offert leur confiance et vont générer des regrets lorsque je partirai.
Dans la rue, il est facile également de briser la glace. Il suffit de sourire, de dire bonjour, pour qu'aussitôt les visages s'éclairent. Je prends un malin plaisir à laisser traverser les piétons, n'en déplaise à l'excité qui klaxonne derrière, juste pour voir le pouce du piéton se dresser en signe de félicitations et son visage m'offrir un sourire ...


Ma rencontre avec Haïti est une grande leçon de vie. Une grande leçon d'humilité. Qui m'a remis à ma place d'homme du monde, pas plus grand, pas plus petit. Qui m'a montré que rien n'est acquis. Qui me permet de réaliser chaque jour à quel point j'ai la chance d'être français, d'avoir grandi dans le confort et la sécurité d'un pays de valeurs, où j'ai pu faire des études, et qui me donne encore cette possibilité aujourd'hui.
Un séjour dans un pays comme Haïti permet de prendre du recul et relativiser sur bien des choses car il modifie sa propre perception. De sa relation avec les autres, de ses émotions, de ses comportements, de la vie en général ...
Je l'ai vécu aussi comme un voyage intérieur, une parenthèse de ma vie qui n'a pas de prix ...

Tout a une fin ...

Dernier jour de stage hier. L'occasion de remercier chaleureusement l'équipe soignante qui m'a accueilli ...




8 semaines, ça laisse du temps pour se rencontrer. Pour apprendre, observer, pratiquer, comprendre, et appréhender finalement une autre vision du soin, tel était l'objectif premier de ce stage à l'international. 





8 semaines laissent aussi de l'espace aux relations d'amitié qui s'installent progressivement à travers de nombreux échanges autour de la vie en général, des valeurs, des envies, des projets ou des passions.
C'est ainsi que j'ai appris à cuisiner haïtien (un peu), que je me suis vu amener un matin du griot de porc, un autre jour du poisson épicé, du paté cordé ou hier matin encore des comparettes, spécialités de la ville de Jérémie. J'ai fait découvrir à Miss Alexandre le cumin, qu'elle utilisé désormais régulièrement ...
La cuisine a vraiment des vertus fédératrices ! 
La religion omniprésente en haïti, a eu raison de moi, le jour où je me suis surpris à chanter avec deux infirmières un chant religieux que je n'avais pas chanté depuis 35 ans !!

C'est donc avec beaucoup d'émotion que j'ai laissé ces personnes.

Mais hier soir, comme consolation, un cadeau m'est arrivé du ciel ...











jeudi 14 mai 2015

Prêts pour une césarienne ?

Attention ...

Miss Lamarre à l'ouverture des paquets stériles ...
Dr Ovid, anesthésiste, sédate encore et encore une future maman
qui a du mal à trouver le calme et interpelle tout le monde ...

Miss Richardson à l'asepsie ...


Docteur Almazor aux manettes ...

Sous l'oeil attentif de Miss Fleurant, superviseuse du bloc ...

C'est parti ! Miss Pogno s'active aux instruments ...

 Et hop !!






mercredi 13 mai 2015

Histoire d'ados, d'art et de maladie ...

Aujourd'hui, j'intervenais pour la troisième fois auprès d'un groupe d'une dizaine d'ados, séropositifs, sur un atelier mêlant photo, expression plastique et mots ...


Cette action s'inscrit dans le cadre de ma formation d'infirmier. Nous devons réaliser une action de santé publique auprès d'un public identifié comme cible prioritaire pour de la prévention ou de la sensibilisation autour d'une problématique de santé.
A Port-au-Prince, la prévalence du VIH-SIDA est malheureusement importante. C'est donc assez naturellement que je me suis orienté vers ce public d'adolescents, qui constituent des vecteurs déterminants pour les générations futures.Pour mieux connaître cette population sur la ville de Port-au-Prince, je me suis appuyé sur l’expérience de l’organisation GHESKIO, présente en Haïti depuis 1982 et engagée depuis cette date dans la lutte contre le VIH/SIDA.

Ensemble nous avons mis en place cet atelier photo/expression artistique articulé autour de cinq séquences avec comme objectif de responsabiliser les jeunes face à la maladie.
L'atelier devient alors un outil de médiation qui d'abord génère de la cohésion de groupe et lutte contre l'isolement.
Il permet également et surtout d'adresser des messages tels que l'adhérence au traitement : prise régulière et au  bon dosage des médicaments, respect du suivi avec le médecin, d'apporter des informations générales sur la maladie (notamment la transmission et les méthodes pour l'éviter). Eux-mêmes deviennent alors vecteurs auprès d'autres jeunes.
Le  but ultime étant pour eux de faire reculer le plus longtemps possible l'arrivée de la maladie et à une plus grande échelle d'enrayer la transmission.



Notre projet repose donc sur la conception d'une fresque incluant photos, dessins, peintures, découpages, que nous exposerons sur un mur du centre et fera l'objet d'un vernissage.
Pour cette troisième séquence, nous travaillons sur quatre planches papier, identifiées en quatre thèmes : La vie, le courage, la maladie, l'espoir.
Chaque participant travaille au début sur un premier thème, laissant aller son imagination et son expression artistique. Vingt minutes après, chaque participant laisse sa place à son voisin de gauche, pour prendre celle de son voisin de droite et ainsi s'approprier le thème suivant. Cet un exercice très intéressant car il oblige à abandonner ce que l'on vient de produire et à s'emparer d'une expression déjà commencée dont on doit faire quelque chose ... J'avais vu ça en stage de psychiatrie (merci Jeanne !) et j'ai voulu l'adapter à la situation, et ça a plutôt bien fonctionné. Le résultat final dans une quinzaine de jours ...


C'est en tout cas un exercice nouveau pour moi. Très enrichissant. Et très touchant aussi. Les ados avec qui je travaille sont motivés et pour la plupart pleins de vie et d'enthousiasme. 
Ils ont quasiment tous hérité de cette saloperie à la naissance et je me demande bien comment on peut grandir avec cette maladie et tout ce qu'elle génère dans l'imaginaire des gens, adolescent à Port-au-Prince de surcroît ...


dimanche 10 mai 2015

Essai sur la société haïtienne (première partie)

Après 7 semaines d'observation, de lecture et d'échanges, je vous livre ma perception de la société haïtienne, en tout cas ce que j'en ai compris. Bien sûr, cette description est loin d'être objective, étant là depuis peu de temps, n'ayant pas vu toutes les facettes de cette société, et n'étant par ailleurs pas sociologue !


Il est important pour commencer de rappeler le socle historique sur lequel s'appuie cette société aujourd'hui.
Le peuple haïtien est constitué pour la très grande majorité de descendants d'esclaves venus pour beaucoup de Guinée. Exploité durant trois siècles, il a ensuite été cherché son indépendance dans le sang en 1804, en repoussant les troupes de Napoléon. 
La France n'a reconnu cette indépendance que 25 ans plus tard, sous la condition qu'Haïti rembourse une dette correspondant au manque à gagner que représentait cette soudaine perte. Quand on y réflechit, c'est quand même assez fort.
Cette dette s'élèvait à 150 millions de francs or, ce qui équivaudrait aujourd'hui à 17 milliards d'euros ! Elle a été soldée en 1886, mais les haïtiens ont payé les intérêts jusqu'au milieu du 20ème siècle ...
Vous remarquerez au passage que ce passé peu glorieux de notre beau pays est absolument absent de nos livres d'histoire ...
Toujours est-il que ce premier élément a joué dans le développement économique du pays, c'est indéniable. Et ce contentieux entre Haïti et la France est omniprésent encore aujourd'hui. François Hollande dans son discours aujourd'hui en Guadeloupe a souligné ce problème et nul doute qu'il y reviendra mardi lors de sa visite en Haïti ...

A cela il faut ajouter une main mise quasi omniprésente des Etats-Unis sur l'île, pour des raisons géo-stratégiques, difficiles parfois à déchiffrer. Notons simplement que Cuba n'est qu'à 150 km des côtes haïtiennes.
Rappelons enfin qu'à partir de 1957, Haïti a connu 30 années d'exaction sous le joug des Duvallier père et fils. 30 années durant lesquelles de nombreux intellectuels ont dû fuir le pays (notamment pour les Etats-Unis et le Canada) sous la menace des fameux tontons macoutes.
Depuis la chute de Bébé Doc (c'est ainsi qu'on surnommait Jean-Claude Duvallier) en 1986, l'instabilité chronique, là aussi savamment entretenue par ceux qui ont de gros intérêts économiques ou politiques en Haïti - Le pays est une des principales plaques tournantes du narco-trafic entre Etats-Unis et amérique Latine - l'instabilité chronique donc, maintient le pays dans un état de pauvreté avancée ou pour beaucoup la survie est devenue une préoccupation quotidienne.
La majorité des haïtiens qui a vu défiler des gouvernements corrompus et surtout inefficaces tourne le dos aujourd'hui aux promesses electorales des uns et des autres, boudant les élections (le taux d'abstention de la dernière présidentielle est proche de 80%).
C'est donc muni de ce prisme qu'il faut analyser les comportements.
Ainsi les haïtiens ont appris malgré eux à être méfiants vis à vis de leur propre voisin, méfiants aussi à l'égard de l'étranger, en particulier du blanc. J'ai pu le constater à mes dépends en début de stage, mais dans d'autres contextes également.
Il faut aussi souligner que les blancs sont assimilés à la fois aux riches, à ceux qui ont le savoir, le pouvoir, aux donateurs (à travers la multitude d'ONG présente sur le territoire) doublés parfois d'un habit de profiteur, aux anciens colons, dont beaucoup de ces derniers se sont mariés à des femmes haïtiennes, donnant naissance à des métisses que l'on appelle aussi mûlatres. Ayant pu bénéficier de l'éducation et de l'argent,  ces derniers sont aujourd'hui parmi les riches haïtiens, solidement ancrés dans le business où dans les rangs du pouvoir de génération en génération.
Pas étonnant donc que certains haïtiens nous perçoivent aussi comme responsables de tous leurs maux, un peu comme ailleurs on désignerait le noir ou l'arabe comme la cause de sa propre impuissance (suivez mon regard ...).
A titre d'exemple, un soir d'avril, nous nous rendons à un concert à l'Institut Français. C'est un concert en plein air. Beaucoup de monde est présent car les artistes qui jouent et chantent ce soir-là sont connus ici en Haïti.
Soudain, un groupe de jeunes, excités à la Prestige (bière locale), s'inspirant du tempo de la chanson en cours, se met à entonner un refrain qui dit "A bas colons, à bas Minustah" (MIssion des Nations Unies pour la STAbilisation en Haïti). Au moment où les paroles de l'artiste expriment par ailleurs la paix. Forcément, on se sent un peu visés. Et mal à l'aise, on préfère s'éloigner du groupe. Et puis on relativise, ce groupuscule est isolé et loin d'être majoritaire, mais cela montre bien que finalement, où que l'on se trouve dans le monde, l'appauvrissement culturel, le manque d'éducation et la perspective d'un avenir incertain constituent un terreau fertile à la stigmatisation de l'étranger et à la recherche de boucs émissaires. Ici, le bouc émissaire, ça peut être le blanc, ça change un peu ...